Premier pétale (2007)Opalescences qui lacèrent le portrait moqueur qui la nargue depuis des heures. Ils vacillent les faciès sous ses légers tremblements, comme si le papier glacé emprisonnait des êtres fais de chair, de sang, de sentiments. Cliché froissé plein de fausseté. Cliché devenu miroir. Poupée à la crinière ébène qui observe son propre reflet, qui laisse ses prunelles s’attarder sur ce même visage fracturé par la tristesse. Celle qui l’habite depuis des années, celle devenue mère de ses émotions, celle régnant en impératrice sur son palpitant. Peine dans laquelle vient s’immiscer doucement, douloureusement, vicieusement l’écho de sa colère. Rage violente qui lentement vient maculer la candeur enfantine de la gamine. Poupée de porcelaine, jamais maculé par le mal, qui se laisse tenter par les vapeurs tortueuses de la haine. Parce que c’est tout ce qu’elle a toujours connu, parce que la rose s’est épanouie dans ces bourrasques, celles qui sont si violentes qu’elles arrachent les douces pétales de l’épineuse fleur. Fragment de diamant qui s’échappe de ses sombres opales pour venir lentement glisser sur sa silhouette enfermée dans la photographie, comme la rosée poursuivant sa route dans la fraîcheur matinale. Puis il y a ce jumeau, âme sœur fraternel, près d’elle, seul éclat de bonheur qui ne l’ai jamais entouré, seul faciès qui arrive à la dérider, qui parvient à dérober à ses lippes un précieux sourire. Mais persiste cette ombre, ce corps longiligne si près des jumeaux, si près d’elle. Femme à la beauté dangereuse, celle des enchanteresses, celle de la Lorelei, sirène à la plainte d’or parvenant à faire s’écraser les marins contre les rochers acérés. Sa mère. Celle au cœur à la dureté des diamants, ceux là même qui par quatre occasions se sont glissés à son annulaire. Vénale devenant au fur et à mesure que les secondes s’écrasent au fond du sablier aussi dure et froide que les gemmes qu’elle collectionne. Reine de pierre.
Crystal. Celle qui ne voulait pas être mère, celle qui ne rêvait que de sa liberté et de voir les billets s’accumuler. Mais l’impétueuse a vu s’épanouir dans son propre être le fruit de son amour défendu, le fruit d’un amour sans l’éclat des pierres qu’elle aime tant. Alors elle a juste fuis, sans un mot, sans un adieu avec le seul poids de son secret, pas une seule fois maculé de culpabilité. Elle est juste partie la brune incendiaire. Un nouveau pays, une nouvelle vie.
Parce qu’il manque une entité sur la photo de la poupée, il manque la silhouette paternelle qui jamais ne s’est dessiné dans la toile de sa vie. Elle n’a jamais eu que l’indifférence maternelle et les faciès toujours plus différent des hommes qui lui tenaient la main. Elle ne sait rien sur lui, pas la moindre information, juste la même phrase qui se répète après chaque question dans le même soupir agacé.
Il ne voulait pas de vous.« On peut aller boire un milk-shake si tu veux princesse. » Prunelles humides qu’elles posent sur son frère alors que le cliché familiale doucement retombe contre le drap de son lit. Dario le téméraire, Dario la sale bête, Dario celui qui n’a jamais écouté que le bruit de son âme.
« Tu sais bien qu’on a pas le droit. » Soupir qui doucement s’échappe de ses lippes alors que l’ordre de sa mère revient fracasser ses pensées.
Restez dans votre chambre et soyez sage. Je ne veux pas vous entendre ! Des heures à voir s’échapper lentement son onzième anniversaire sans pouvoir en profiter. Rire des enfants profitant d’Halloween à l’extérieur devenue douce torture.
« Elle le saura pas, elle se souviendra de notre existence, quand monsieur bronzage aura décampé demain. » Léger sourire qu’elle esquisse, peine bientôt balayé par l’espièglerie alors qu’elle le suit. Enfants de la rive des Capwell s’échappant vers celle de leurs ennemis.
Second pétale (2012)Bulles qui s’éclatent les unes après les autres alors qu’elles nagent vers la surface, alors qu’elles se conduisent seules à la mort. Liquide doré qu’elle finit par porter à ses lèvres, alcool qui cascade doucement dans sa trachée alors que son regard se porte sur l’assemblée. Princesse solaire enfermée dans les ténèbres des serpents. Emprisonnée avec ces démons aux faciès d’anges. Crinière dorées des Capwell qui se distinguent de la noirceur de sa chevelure. Elle se sent pas à sa place la poupée, comme une tâche d’encre maculant la feuille blanche, elle est de trop. Nouvelle gorgée alors que les conversations perdurent. Elle se voudrait ailleurs, elle se voudrait avec Dario, elle se voudrait loin, elle se voudrait dans un autre univers. Pas dans ce monde où les sourires ne sont que suffisant et les regards qu’arrogance.
« Ils aimeraient bien nous voir ensemble. » Timbre masculin qui l’arrache à sa contemplation et c’est sur le blond que ses prunelles acérées se posent. Léger sourire amusé qui vient déformer ses lippes.
« C’est pour ça que tu ne m’auras jamais. » Isaak, enfant d’une guerre, enfant d’un conflit ancestrale et éternelle. Isaak ou l’âme guerrière, celui qui serait prêt à offrir son dernier souffle sur l’autel de sa cause, sur l’autel de sa vengeance. Ses parents, sa mère. Ils les voudraient unis, ils les voudraient liés pour une nouvelle éternité. Une époque où elle entrerait dans la valse infernale, où elle donnerait son existence dans cette bataille où elle n’est que neutralité.
« C’est un défi ? » Nouvelle gorgée de champagne alors qu’elle laisse planer le silence. Attirance presque magnétique qui les lie comme des aimants, attirance contre laquelle elle se bat corps et âme. Pourtant chaque fois que les opales de celui qu’elle combat la transcende de cette manière, elle flanche. Faiblesse pour laquelle elle se hait.
« C’est une certitude. » Sourire plein d’espièglerie alors qu’elle termine sa coupe, s’évaporant au loin à l’image des bulles de sa boisson. Jamais elle ne pourra lié son destin à celui des Capwell, jamais elle ne pourra offrir cette joie à sa mère. Jamais.
***
Semaines bien trop courtes qui se sont écoulées depuis le repas, semaines pendant lesquelles il n’a pas arrêtées, semaines où la bête n’a cessé de courir après sa proie. Elle a lutté la gamine, par simple orgueil, par simple esprit de contradiction. Pourtant elle le sent son palpitant prendre un rythme effréné chaque fois qu’il la touche, chaque fois qu’il lui parle, chaque fois qu’il la regarde. Sensation chimique, deux entités qui ne devraient pas coexister ensemble et qui implosent au premier contact.
« Je devrais pas. » Regards qui s’encrent l’un dans l’autre alors que le dos de la poupée percute le mur, alors qu’il est proche, bien trop proche pour qu’elle puisse réfléchir correctement.
« C’est pour ça que tu dois le faire. Laisse toi aller. Je serais toujours là pour toi Asto... » Dernière barrière qui s’effondre, dernier rempart qu’il abat avec ses derniers mots. Se sont leurs lippes qui se lient, se sont leurs coeurs qui battent dans la même frénésie.
***
Une année, presque deux, qu’il est devenu le dernier fragment venu recouvrir le vide de son âme. Elle l’aime la poupée, c’est pas aussi foudroyant que dans les ouvrages, c’est pas aussi mythique que dans les films, mais elle l’aime. Simplement, sauvagement, à sa manière à la fois douce et violente, elle l’aime. Pourtant le vide vient de revenir, dans une vitesse folle, dans un grand galop plein de souffrance. Il est venu tout terrasser, il est venu reprendre le trône qu’on lui avait dérobé.
« T’es juste une putain d’erreur. » Palabres qu’elle crache, y a que du ressentiment, de la colère et de l’écœurement dans la moindre de ses syllabes. Presque deux années de sa vie gâchée, presque deux années où elle a tout donné pour lui, alors que lui vogue désormais dans d’autres bras. Des bras qui ne sont pas les siens, des bras qui ne lui appartiennent pas. Face à ses prunelles, cette scène qui la hantera, lui et elle, lui et une autre fille, lui et leur étreinte, lui et elle dénudés sous leurs draps tâchés de leur luxure.
« Asto... » Onyx de ses prunelles qui vient les assassiner en un seul coup d’oeil alors qu’elle les juge avant de sortir de la pièce. Porte qui claque.
« Va te faire foutre ! »Y a plus que la rage qui l’habite, y a plus que la haine qui fait vibrer son sang. Coeur mort, coeur s’étant suicidé à cette simple vision. Poings qui se serrent, jointure qui prennent la couleur de la neige alors qu’elle voudrait frapper. Lui. Elle. Les deux. Tout s’embrouille, tout s’emmêle. Pourtant il lâche pas l’affaire, pourtant il la suit la furie, pourtant il enserre son bras de sa main pour la retenir. Et c’est sa main qui s’écrase dans le silence, c’est une gifle magistrale qu’elle lui administre.
« T’as perdu le droit de me toucher à partir du moment où tes mains se sont posées sur elle. » Froideur qui s’empare de ses mots, froideur qui s’éprend de son coeur dés l’instant où elle passe le pas de la porte.
Troisième pétale (2016)Liquide empoisonné qui vient brûler les trachées, fumées des cigarettes qui vient plonger l’endroit dans le brouillard. Musique qui fait trembler les corps, qui les fait onduler dans des rythmes rendus incertains par l’alcool qui incendie leur carmin salvateur. Nuitée qui ne réunie que les âmes damnées, les cygnes aux plumes d’ébènes et ceux fidèles à la cause des Montgomery. Y a que ceux qui veulent oublier, qui veulent s’oublier à cette soirée. Comme si les méandres alcoolisés dont ils ne cessent de s’abreuver pouvait tout effacer l’espace de quelques heures, penser à autre chose le temps du jugement de la lune et recommencer cette foutue vie une fois que les rayons solaires viendront les aveugler.
« Qui est-ce ? » Faciès qui attire ses opales, faciès qui accroche ses prunelles. Foule de monde, nid de serpents dans lequel elle ne devrait rien percevoir, pourtant c’est lui qu’elle voit. Adonis au derme parsemé par l’encre, adonis qu’elle ne pense pas connaître.
« Evans. Noah Evans, il fait parti du gang. » Opalescences qui peuvent se décrocher de lui, pourtant elle devrait s’en détacher, pourtant elle devrait emprisonner sa curiosité qui doucement l’attire vers les portes de l’enfer, Styx qui soudainement s’étend sous ses pieds. Sirène qui ne devrait pas laisser la bête qu’elle sait cruelle l’attirer dans ses filets. Elle doit piéger pas lui.
Regard qui se rencontrent, qui s’entrechoquent, opales à la teinte des ecchymoses venant brutaliser les siennes. Feu ardent venant s’emparer de son être. Deux silex entrés en collision pour tout incendier. Il a fallu d’un coup d’oeil. D’un seul. Pour éveiller tout ça. Elle n’était que flammes, il a juste ravagé ce putain d’incendie avec de l’essence. C’est pas de l’envie. C’est pas de la haine. C’est bien plus fort que ça. Elle nie la gamine. Elle nie la poupée qui préfère se mentir. Qui préfère ne retenir qu’une seule émotions de toutes celles qui l’immergent. La haine. Elle le déteste sans raison. Elle le déteste parce qu’ils sont voués à ne s’offrir que de la violence. C’est ainsi, c’est physique, c’est chimique.